Salut les terrien.nes,
J’espère que vous profitez à fond du Black Friday cette semaine pour (sur)consommer un maximum !
Il y a une dizaine de jours – soit une éternité dans le paysage médiatique – se clôturait la COP 26.
Elle a fait le buzz :
> (un peu) avant l’événement : vous vous rappelez la Une du Time à l’accent dramatique que je vous ai partagé dans mon précédent billet (« Last call ») ? Ce n’était pas le seul média aux accents alarmistes.
> pendant avec son défilé de jets privés, les « piécettes » de « Santa Jeff Bezos » distribuées au bon peuple, le durcissement du comportement des activistes, le discours bla bla bla de Greta, la dramaturgie des pays d’ores et déjà impactés par le changement climatique pour interpeler ceux qui ne le sont pas encore – nous 😁 ! – (le discours d’un ministre de l’archipel des Tuvalu), les larmes à peine contenues du président de la COP en conclusion de ces deux semaines de « festival ».
> 48h après (allez, une semaine si je suis sympa) : on s’insurge sur l’inutilité de la COP, on dénombre les perles de greenwashing, on fustige les promesses que l’on craint fausses, les engagements qui n’engagent à rien sauf à continuer à accroitre les émissions de gaz à effet de +14% d’ici 2030 (no joke ! alors qu’on doit les réduire de 45% pour tenter de limiter le réchauffement climatique à +1.5 degrés).
Heureusement le COVID repart et promet des échanges enflammés lors des diners familiaux sur la 3ème dose vaccinale; les débats sur le « woke » accaparent le reste de l’espace médiatique reléguant la campagne présidentielle en seconde division. On perd tous nos repères !
La seule bonne nouvelle ? La sortie de la suite de Sex and the city (y’a pas de petit plaisir 😁).
Si vous voulez un bon résumé de ce qu’il s’est réellement passé durant cette COP 26, voici un article de Bon pote, qui questionne au passage l’utilité des COP et apporte un regard nuancé.
De mon côté, j’ai davantage envie de m’intéresser à cet événement non pas pour ce qu’il est ou n’est pas mais pour ce qu’il représente.
Les propos ci-dessous n’engagent que moi, il s’agit de ma perception uniquement, aussi je serai ravie d’avoir vos points de vue.
Blood, sweat and tears
La COP, le nouveau rollercoaster émotionnel
Elle a bon dos la COP, elle sert d’exutoire au trop plein émotionnel de l’humanité et devient surface de projection.
Décryptage de la déferlante émotionnelle sur la COP :
Et pendant ce temps-là, le compte à rebours s’accélère :
« On est plus proche de 2050 que de 1990. »
« Il est déjà trop tard ! »
…
La pression monte, nous sommes maintenus dans un état de stress permanent, notre cerveau bombardé d’injonctions paradoxales.
Mais pourquoi un tel surinvestissement émotionnel dans cet objet qu’est la COP ?
J’ose appliquer le triangle dramatique de Karpman à la situation.
Il s’agit d’un outil issu de l’Analyse transactionnelle qui illustre nos modes de fonctionnement sous stress : le stress nous fait entrer dans une relation déséquilibrée avec l’autre, nous créons alors un « jeu psychologique » dans lequel nous occupons tour à tour les 3 rôles suivants : la victime, le sauveur, le persécuteur.
La COP endosse de facto le costume du super-héros de l’humanité. In fine, devant l’absence des résultats escomptés, nous nous conduisons en persécuteur vis-à-vis de la COP, rejetant la faute sur son inefficacité dans une logique classique de bouc-émissaire.
Nous restons prisonniers de ce jeu psychologique tant que nous n’acceptons pas pleinement notre responsabilité dans cette affaire, que nous ne nous autorisons pas à ressentir profondément notre impuissance; tant que nous déléguons à la COP notre pouvoir d’agir. L’énergie du désespoir nous fait courir et surtout (beaucoup) causer.
La COP m’apparait alors comme le creuset de nos espoirs déçus, déchus.
Comment faire lorsque nous, humains, sommes juges et partie de ce « problème » du changement climatique ? Si l’on compare avec le COVID, l’ennemi est externe et ciblé, la réponse l’est donc aussi. Dans le cas du changement climatique, l’ennemi c’est nous et nos activités. Difficile d’être en même temps les victimes du problème, les persécuteurs et les sauveurs. Dit autrement, comment sortir rapidement de ce jeu psychologique pour éviter les phénomènes stériles d’opposition (les pays développés versus en développement; les « riches » pollueurs dominants versus les « pauvres » qui subissent; ceux qui agissent versus ceux qui ne font rien…) ?
Grâce au triangle de la compassion, du même Karpman.
La seule chose à faire, me semble-t-il, est d’oser regarder en face l’amère réalité que nous co-créons chaque jour. Sur le moment, notre angoisse existentielle n’en est que décuplée, certes.
Mais n’est-ce pas le prix à payer de notre humanité et de nos choix collectifs ?
Le sursaut de vie ne viendra-t-il pas justement lorsque nous accepterons que nous avons touché le fond ? Qui pour nous sauver, si ce n’est nous-mêmes ? Y arriverons-nous et si oui, à temps pour éviter le pire ?
Cela justement, nous l’ignorons. Et si nous nous donnions le droit à l’erreur pour relever ce qui nous apparait comme l’un des plus grands défis de l’humanité ?
Nous agissons comme si nous savions parfaitement ce qu’il faut faire : le Net-Zéro décliné à toutes les sauces (alors que l’une des seules voies réellement pertinentes, la sobriété, n’est pas ou trop peu abordée). Cette assurance de façade qui devrait calmer notre agitation intérieure créé probablement encore plus d’insécurité et s’avère contre-productive.
Métavers et conquête spatiale
La grande fuite en avant
Les réactions suscitées par cette COP m’invitent plus largement à interroger notre rapport au temps et à questionner la posture que nous choisissons d’avoir face à l’avenir.
Si certains regardent le train passer et semblent résignés ou désespérés, les « Fantastic Four »*, eux, sont bien décidés à sauver le monde ! Mark (Zuckerberg), Elon (Musk), Jeff (encore lui – Bezos) et Bob (Richard Branson) se sont donnés pour mission de sauver l’humanité. Hip hip hip, hourra !
Le premier s’est mis en tête de créer le METAVERS.
Le terme métavers est la contraction des mots « méta » et « univers ». Il apparait pour la première fois en 1992 dans un livre de Neil Stephenson. Il s’agit d’un univers parallèle, sorte d’internet en 3D, paroxysme des réseaux sociaux dans lequel nous sommes invités à plonger via un casque de réalité virtuelle pour mener une autre vie grâce à un avatar.
Dans ce monde merveilleux, nous pourrons rencontrer des gens, travailler, se faire soigner, assister à des concerts, visiter des endroits lointains et inaccessibles, faire ses courses…
Ah…si seulement nous pouvions faire tout cela en vrai…(sic).
On dit que l’art précède souvent la réalité, et visiblement nous en avons ici un nouvel exemple flagrant : le concept de métavers a déjà été abordé au cinéma (Matrix, Ready Player One) et dans la littérature (l’Arbre Monde de Richard Powers, entre autres) avant de devenir l’objet des convoitises du monde corporate. Car oui, le métavers est déjà en cours de développement. Souriez, c’est bientôt Noël !
A noter que dans le métavers, blockchains, cryptomonnaies et jetons NFT seront l’alpha et l’oméga de tous les échanges.
(Vous ne savez pas ce que ces termes signifient ? Rassurez-vous, nous non plus. A la demande de G., nous investiguons ce champ et nous publierons une newsletter sur le sujet dans les mois à venir, car bien entendu le « cloud » a une matérialité certaine et le monde virtuel une empreinte carbone bien réelle).
Les trois autres larrons se sont lancés dans une autre conquête : le tourisme spatial.
A 4,5 tonnes de CO2 émises par passager par vol spatial (soit plus de deux fois l’empreinte cible de 2 tonnes par personne), on peut dire qu’on a le sens des priorités.
Or, figurez-vous que c’est justement dans la stratosphère que Jeff a eu une épiphanie : « Notre planète est si belle et si fragile, nous devons la sauver ! » (d’où sa généreuse donation à la COP). Je suis émue.
D’autres businessmen l’ont un peu mauvaise de ne pas appartenir au club VIP de ceux qui s’envoient en l’air en comité restreint : du coup, c’est la débandade, la course à l’égo. Désormais on s’offre des fusées, les jets-privés et autres yachts c’est soooooooooo 2010. Ce noël 2021 s’annonce interstellaire !
Grosse fatigue
Courage, ne fuyons pas !
Si je mets toute cette agitation sur pause, je me demande si ces deux phénomènes (tout comme la course à l’innovation technologique ou l’agitation médiatique) ne relèvent pas d’une seule et même stratégie reptilienne : la fuite.
D’aucuns m’opposeront que l’esprit de conquête est le propre d’homo sapiens et je ne le nie pas. Mais il y a quelque chose de vain, selon moi, à cette quête effrénée au toujours plus. Aussi, je m’interroge sur ce qui se joue au-delà de la recherche du progrès et de la découverte de territoires vierges alors même qu’il y a tant à faire dans le monde actuel. Pourquoi détourner le regard et choisir la nouveauté ? La recherche d’excitation, d’adrénaline est assurément plus grande quand on vise l’expansion (versus l’impression de contraction de nos modes de vie avec la sobriété par exemple). Aussi je me risque à émettre cette hypothèse d’une stratégie de fuite. Je m’explique.
La partie reptilienne de notre cerveau, la plus ancienne, nous permet d’assurer notre survie individuelle. Au delà de l’observation (qui nous permet de capter un danger dans notre environnement), nous disposons de 3 stratégies pour sauver notre peau lorsque le danger est avéré :
– la fuite : on s’agite dans tous les sens, on prend ses jambes à son cou et on fuit le danger (sur Mars ou dans un monde virtuel par exemple).
– la lutte : on s’énerve, on bombe le torse et on affronte le danger car on est plus fort. (cf. Greta Thunberg)
– l’inhibition ou l’annihilation de l’action (un peu comme sur la photo). Là, on est comme mort. A quoi ça sert d’agir, il est déjà trop tard.
Je vous laisse réfléchir quelques instants à l’état dans lequel vous vous trouvez en ce moment…
Ces réactions sont utiles pour sauver notre peau individuellement. Mais qu’en est-il quand elles deviennent des stratégies organisées pour gérer le collectif ? A priori, je dirai qu’elles ne sont pas adéquates et qu’elles empêchent justement de mettre le bon pilote dans l’avion.
Ode à la joie
Vulnérabilité, résilience, sérénité
ÊOn fait quoi avec tout ça ? Ce que vous voulez !
Il ne s’agit que d’un point de vue pour tenter de comprendre ce monde qui change plus rapidement que notre capacité à le saisir.
J’aimerais que nous, collectivement, ayons le courage de ne pas fuir, de ne pas rester prisonniers des jeux psychologiques. Que nous arrivions au point de dépouillement le plus total, à la prise de conscience générale de notre vulnérabilité afin que nous puissions apporter les réponses adaptées à la situation.
Si j’avais un plan d’actions à partager, ce serait de :
> Accepter notre vulnérabilité : nous avons créé ce problème et nous ne savons pas (encore) vraiment comment y remédier.
> Prendre notre part de responsabilité.
> Se donner le droit à l’erreur : on n’est pas sûr de trouver les bonnes solutions et d’y arriver dans les temps et c’est ok.
> Agir car l’action, la mise en mouvement apporte de la satisfaction et de la joie. On n’a encore rien trouvé de mieux.
> Revenir à une échelle plus petite, plus proche de soi : le gigantisme de la tâche à accomplir nous met parfois KO avant même de commencer à agir. Trouver l’échelon avec lequel on est confortable (soi-même, sa famille, son cercle amical, sa ville / village, les différentes communautés dont on est membre…).
> Interroger cette fuite en avant du monde et notre rapport au temps. Et choisir d’Être, ici et maintenant, simplement. Un excellent remède à la mélancolie du passé et à l’angoisse du futur.
Je ne sais pas vous, mais personnellement je ressens plus de calme intérieur et de sérénité. Chacun sa recette 😉 Partagez-moi les vôtres !
Baisers compassionnels,
Mathilde